10/03/2022 | Partner: Regione Valle d'Aosta

La légende de Pont-Saint-Martin : un pont (romain) entre le diable et l’eau bénite ?

Et la voix diabolique résonna dans la vallée : « Le premier qui traversera ce pont, son âme sera à moi ! ». Le robuste pont en pierre de Pont-Saint-Martin venait juste d’être terminé et c’est ainsi que son auteur, Satan, exigeait d’être récompensé. Jusqu’alors, les deux rives de l’impétueux torrent Lys n’étaient réunies que par une passerelle en bois, toute branlante, qu’il s’avérait toujours dangereux de franchir, et plus encore par période de grosses pluies ou de fonte des neiges. Mais la population avait besoin de passer – et souvent. Marchands, paysans, soldats : ils étaient nombreux à devoir franchir l’imprévisible Lys et cette odieuse passerelle fauchait souvent des vies innocentes. LE DIABLE

Profitant de cette exigence, le Malin s’insinua dans le village et répondit aux vœux de la population en construisant, en l’espace d’une nuit, un pont merveilleux : haut, solide, puissant. Un pont qui n’aurait certainement aucun mal à résister aux crues du Lys. Mais il demandait en échange une lourde récompense : une âme. Au moins une. Et ce serait celle du premier qui traverserait « son » superbe pont. Le Diable est l’un des principaux protagonistes du Carnaval : rouge, cornu, armé d’une fourche, un butor irritant et grossier. SAINT MARTIN Mais c’était compter sans saint Martin. Né en Pannonie au IIIe siècle de notre ère, il s’engagea très jeune dans la cavalerie impériale romaine et prêta service en Gaule. C’est pendant cette période que se vérifia le fameux épisode du manteau que Martin coupa pour le donner à un mendiant afin qu’il puisse se protéger du froid. Après avoir quitté l’armée, il opta pour la vie religieuse et se rendit à Poitiers, où il devint exorciste. En 361, il fonda une communauté d’ascètes, considérée comme le premier monastère historiquement datable d’Europe ; dix ans plus tard, il devint évêque de Tours. Pour les habitants de Pont-Saint-Martin aussi, l’aide du saint évêque Martin se révéla fondamentale. C’est lui, en effet, qui fit passer sur le pont, en premier, un petit chien ; et c’est donc l’âme de ce petit animal qui fut « sacrifiée » pour sauver la population locale. Mais, furieux d’avoir été ainsi dupé, le diable chercha à détruire l’ouvrage qu’il avait lui-même bâti. Il avait déjà ouvert une large brèche dans le parapet, quand saint Martin planta une croix à l’endroit le plus haut du pont, où se dresse, aujourd’hui encore, un petit oratoire. Le diable alors disparut pour toujours. Comme on le voit, l’histoire, la foi et la légende se mélangent parfaitement dans le Carnaval de Pont-Saint-Martin, village qui doit son nom à un pont du Ier siècle avant Jésus-Christ, édifié par le génie romain sur la route des Gaules, qui a gardé toute sa splendeur et est encore utilisé aujourd’hui. Ce Carnaval historique célèbre cette année sa 110ème édition ! Plus d’un siècle de vie, un rendez-vous important que personne ne veut manquer, pour raconter et transmettre l’identité et la tradition d’un village et de ses habitants. L’époque romaine a laissé des souvenirs si chers au cœur de tous que, pour le Carnaval, le village retrouve sa subdivision en insulae, des quartiers qui, d’une certaine façon, reprennent l’époque de la romanisation : Insula Leonis, Fundus Tauri, Insula Pontis romani, Vicus Colubris, Insula Vernae, Platea Primus Maius, Insula Lys et enfin saint Roch. LA NYMPHE DU LYS Mais ce n’est pas tout. N’oublions pas le Lys, le torrent qui a tant marqué cette histoire et qui, pour le Carnaval, se personnifie dans la merveilleuse nymphe du Lys, la « Belle ». Une mauvaise fée devenue bienveillante parce que les habitants surent la toucher par cette phrase : « Baissez-vous, la belle, et laissez-nous le pont ! ». Ainsi, descendant des hautes vallées du mont Rose, depuis les sources, en chevauchant une vague gigantesque, passa-t-elle sans coup férir pour rejoindre la Doire. Accompagnée de ses deux jolies servantes, la nymphe défile par les rues du village, sous les regards admiratifs, en jetant autour d’elle des brins de mimosa et des douceurs. Et, des légendes, on passe à l’histoire, avec toute une série de personnages (Consul, Tribuns, Vierges romaines et Salasses du Lys) qui évoquent la conquête de la Vallée d’Aoste par les Romains. Une fête grandiose qui aura son summum le soir du Mardi-Gras quand, au milieu des feux, des pétards et des flammes, le Diable brûlera, pendu à son propre pont.

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